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Une Seule Santé
Le contexte de la crise Covid-19 a toutefois représenté une opportunité de mettre en exergue ce concept, de le vulgariser à l‘aide d‘exemples concrets et d‘émettre des propositions d‘amélioration aux plans national, européen et mondial.
La complexité du Vivant et l’étendue de la biodiversité impliquent l’adoption d’une approche transdisciplinaire et intersectorielle, convoquant toutes les sciences, y compris humaines, sociales et participatives. L‘édification de passerelles entre tous les domaines concernés doit devenir un véritable réflexe. Il ne faut toutefois pas faire du concept « Une seule santé » une auberge espagnole ; c’est pourquoi son périmètre doit être au préalable bien défini. La richesse des échanges qui ont eu lieu lors de la conférence du 22 septembre 2020 nous a conduits à approfondir les réflexions afin d‘élaborer un livre blanc formulant des propositions opérationnelles au niveau national.
Il s’agit en particulier de poursuivre le décloisonnement entre disciplines et secteurs d’activité, de renforcer la formation et l’information, de développer la prévention et la surveillance et d’encourager la recherche et le développement, en mettant en œuvre des actions audacieuses. L’approche « Une seule santé » doit s’étendre au-delà de la sphère scientifique et académique et bénéficier d‘un portage politique fort et déterminé.
Qu’est ce que One Health ?
Le concept One Health, ou « Une seule santé » en français, occupe le débat institutionnel international depuis plusieurs années et a largement été mis sur le devant de la scène pendant la crise sanitaire du Covid-19. S’il n’est pas nouveau, ce concept fait l’objet d’un regain d’intérêt très fort, en ce qu’il permet de mieux expliquer et comprendre les liens qui existent entre santé humaine, santé animale et environnement. La pandémie que nous avons récemment vécue, et les alertes récurrentes sur les futures crises du même type qui pourraient survenir, obligent l’Homme à repenser ses interactions avec le monde qui l’entoure. Ce dossier « One Health » a pour ambition de fournir des clés de lecture du concept « Une seule santé », tout en donnant quelques exemples d’application du concept. Il est aujourd’hui nécessaire de s’accorder sur la définition du concept « Une seule santé » et de redéfinir son périmètre d’application. Si trois composantes lui sont historiquement attribuées, à savoir la santé humaine, la santé animale et la santé des écosystèmes (aussi appelée santé de l’environnement), cette dernière fait l’objet de débats. Lorsque l’on s’interroge sur la finalité du concept, beaucoup l‘envisagent sous le prisme du bien-être de l‘Homme. Qu’en est-il du bien-être des animaux, sujet sociétal qui prend une place considérable dans le débat public ? Le bien-être animal a-t-il sa place ?

Une fois les bases du concept posées, il faut réfléchir à sa mise en œuvre et à la manière de l’insérer au cœur des politiques publiques, mais aussi dans le quotidien des Français. À ce titre, l’alimentation semble une excellente porte d’entrée, car les politiques alimentaires sont au cœur des enjeux « Une seule santé ». Elle a non seulement un rôle direct sur la santé humaine, mais elle conditionne également nos modes de production, de transformation et de commercialisation de nos aliments, influençant ainsi la santé de notre environnement. Dépendante de l’agriculture, l’alimentation interroge nos pratiques d’élevage et la nécessité de s’accorder sur la définition d’une alimentation saine, variée et équilibrée pour tous.
La France – Partie prenante dans le débat sur Une Santé
La France participe activement aux recherches autour du concept « Une seule santé ». Plusieurs de ses institutions, telles que l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), l’Institut Pasteur et Santé Publique France participent par exemple à “l’EJP One Health” (programme européen. L’Anses assure la coordination du projet en lien privilégié avec le partenaire belge Sciensano pour la coordination des activités scientifiques de l‘EJP One Health, et participe aux instances de gouvernance du projet, notamment au comité de pilotage scientifique. En 2020, le pays se dote du premier organisme mondial pour l’étude des relations entre agriculture, environnement et alimentation. L‘INRAE (Institut National de la Recherche Agronomique et de l’Environnement), a pour objectif, au travers d’ « Une seule santé », de démontrer le lien entre la dégradation de la biodiversité et l’émergence de ces nouvelles zoonoses (maladies se transmettant de l’animal à l’Homme et vice versa, comme la rage, la leptospirose, la maladie de Lyme ou certains virus influenza). Le lien entre biodiversité et santé a été établi par l’Organe subsidiaire chargé des questions scientifiques, techniques et technologiques (SBSSTA) dans le cadre de la préparation de la Conférence de l’ONU sur la biodiversité COP155.
Plus récemment, la France a dévoilé ses ambitions pour son 4ème Plan National Santé Environnement (PNSE 4) qui insiste sur les liens existant entre santé et environnement. Engagé dans une démarche « Une seule santé », ce plan est piloté par le Groupe Santé Environnement sous la tutelle du ministère de la Transition écologique et du ministère des Solidarités et la Santé. Quelle que soit sa véritable origine, « Une seule santé » propose de rapprocher les trois santés. Définir simplement ce concept, c’est comprendre que quand la santé de l’environnement est mauvaise, la santé des Hommes et des animaux sera mauvaise également. C’est comprendre cette interdépendance entre les santés humaine, animale et environnementale.
Aujourd’hui plébiscitée comme une approche nécessaire pour prévenir de futures crises, que signifie « Une seule santé » ?
Selon l’organisme mondial WOAH*, ce concept synthétise une « notion connue depuis des siècles », à savoir que « la santé humaine et la santé animale sont interdépendantes et liées à la santé des écosystèmes ». Face à cette définition, on remarque donc qu’il existe trois composantes, respectivement la santé humaine, la santé animale et ce que l’OIE appelle la « santé des écosystèmes ». Si les deux premières composantes n’ont jamais été remises en cause, la place de la santé des écosystèmes, ou de la santé de l’environnement comme elle est plus communément appelée, est plus délicate à définir et à faire exister indépendamment des deux autres composantes.
* WOAH : Organisation mondiale de la santé animale
Les enjeux pour le vivant ? Entretien avec DR. David Lussot
Synthèse sur les Enjeux de l’Approche One Health
1. Quel est le véritable enjeu derrière One Health pour le grand public ? Pour le monde agricole ?
Le concept One Health - Une Seule Santé repose sur une idée simple mais essentielle : la santé des humains, la santé des animaux et la santé des écosystèmes sont étroitement connectées. Un déséquilibre de l’état sanitaire de l’un de ces 3 piliers peut entraîner des conséquences majeures sur les 2 autres. Selon l’Organisation mondiale de la santé animale (WOAH), on estime à 65 % la proportion de maladies infectieuses humaines ayant une origine animale, ce chiffre passant à 75% pour les maladies dites émergentes. Les pandémies récentes trouvent souvent leur origine dans le monde animal, que ce soit via des animaux domestiques, d’élevage ou la faune sauvage.
Pour le grand public, l’enjeu One Health est avant tout sanitaire : il s’agit d’opérer de façon transversale et pluridisciplinaire pour prévenir les pandémies, réduire les risques liés aux zoonoses, maintenir un arsenal anti-infectieux efficace et garantir une alimentation plus sûre. L’approche One Health incite à mieux surveiller les risques, améliorer la gestion des écosystèmes, et renforcer la prévention en santé publique.

Pour le monde agricole, il s’agit à la fois d’un défi et d’une opportunité. Les agriculteurs et les éleveurs sont en première ligne : ils doivent adapter leurs pratiques pour limiter les risques de transmission entre animaux et humains, tout en jouant un rôle actif dans la surveillance épidémiologique. Cela passe par des élevages plus résilients, un usage raisonné des antibiotiques, et une collaboration renforcée avec les vétérinaires, médecins et écologues. L’un des objectifs incontournables est d’assurer une alimentation durable fondée sur des sols sains, des cultures et animaux en bonne santé, pour préserver la santé des consommateurs.
2. Quelles sont les parties prenantes – One Health dans le monde ?
L’approche One Health est fondamentalement collaborative. Les principales parties prenantes à l’échelle mondiale incluent :
- Les organisations internationales : l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture), le PNUE (Programme des Nations Unies pour l’Environnement) et la WOAH (Organisation Mondiale de la Santé Animale, ex-OIE). Ensemble, elles forment une alliance appelée le Quadripartite One Health.
- Les gouvernements nationaux : ministères de la santé, de l’agriculture, de l’environnement, et agences de sécurité sanitaire.
- Les scientifiques et chercheurs : épidémiologistes, vétérinaires, médecins, écologues, spécialistes du climat.
- Les ONG et acteurs de la société civile : intervenant dans les domaines de la santé publique, de la biodiversité, et du bien-être animal.
- Le secteur privé : notamment les industries agroalimentaires, pharmaceutiques et technologiques (capteurs, traçabilité, etc.).
Tous ces intervenants ont un rôle majeur à jouer pour mettre en œuvre des politiques coordonnées, fondées sur une vision commune de la santé globale – à condition que les réflexions en amont se fassent en dehors des silos habituels, notamment au niveau politique. Rappelons par exemple que le nombre d’heures d’enseignement consacré aux zoonoses dans le cursus médical général reste très anecdotique.
3. Quels sont les enjeux pour la France ?
Pour la France, les enjeux sont multiples et stratégiques. Il s’agit d’abord d’un enjeu de santé publique, afin de mieux prévenir l’apparition de nouvelles zoonoses et gérer les crises sanitaires, notamment en tirant les leçons de la pandémie de COVID-19. Ensuite la France, avec sa forte tradition agricole et sa puissante filière animale, doit pouvoir concilier productivité, durabilité et biosécurité, tout en accompagnant les transitions nécessaires.
Par ailleurs, la France a une responsabilité internationale en tant que membre de l’Union Européenne et soutien actif du multilatéralisme sanitaire. Elle s’est dotée d’une stratégie One Health sur la période 2022-2025, visant à renforcer les synergies entre les politiques publiques de santé, d’environnement et d’agriculture.
On y voit enfin un enjeu de recherche et d’innovation : la France peut et doit s’imposer comme leader en santé globale, grâce à ses instituts (comme l’ANSES, l’INRAE ou l’Institut Pasteur), à ses vétérinaires, ses médecins et ses chercheurs en écologie.
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