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R&T 78 : La planification et les filières : réponses à la résilience alimentaire
De son exploitation commingeoise (31) jusqu’à la confédération européenne des coopératives agricoles, Bernard ADER n’a cessé d’œuvrer pour la garantie d’une agriculture durable et d’une alimentation saine. Dans cette interview, il nous livre sa vision de la résilience alimentaire et des solutions en lesquelles il croit.
Marie DURAND (92e) : En quelques mots, peux-tu nous raconter ton parcours ?
J’ai grandi dans le Comminges (31), au cœur d’une exploitation familiale que j’ai reprise en 1998. En parallèle, j'ai enseigné l’agronomie à Auzeville pendant dix ans. Je me suis ensuite investi aux côtés de CER France pour soutenir le développement des exploitations avant de m’investir pleinement dans l’univers des coopératives. J’ai œuvré pour la coopération agricole au niveau local, puis aux côtés de La Coopération Agricole, et enfin au niveau européen, en tant que vice-président du COPA COGECA.
Comment définis-tu la résilience alimentaire et comment l’intègres-tu dans ton métier d'agriculteur ?
La résilience alimentaire, c'est le parti pris de regarder son alimentation ou l'alimentation d'un territoire par toute l’organisation qui l’anime. Ça va du producteur au consommateur, en passant par la logistique, les transformateurs, la formation, la compréhension des bienfaits d'une alimentation saine. La résilience s’inscrit dans une dimension profitable pour toute la population d'un territoire.
En tant que producteur, je contribue à la résilience alimentaire de mon territoire en produisant, tant bien que possible, des productions qui peuvent être non seulement sourcées mais aussi utilisées par ce même territoire. L’objectif est de limiter nos dépendances sans pour autant tomber dans l’autarcie. En alimentant la région toulousaine par des productions issues d’agriculture régénératrice je diminue ma dépendance et participe, à mon échelle, à l’amélioration de la résilience alimentaire.
« La résilience alimentaire c’est comment on organise une alimentation saine et équilibrée pour tous et par tout temps. »
Comment adapter ses pratiques agricoles pour répondre à cet enjeu tout en assurant la rentabilité de l’exploitation ?
Sur mon exploitation j’ai fait le choix de travailler en agriculture de conservation des sols et en agriculture biologique. Bénéficier de ces deux références m'apparaît essentiel pour comparer les pratiques, notamment aux yeux de mon rôle d’élu européen. C’est aussi un moyen d’équilibrer et sécuriser les productions.
Exploitée avec un objectif « zéro phyto », l’agriculture régénératrice est sans aucun doute l’une des pratiques les plus engageantes, spectaculaires et efficaces. Tout comme l’agriculture biologique, elle participe aussi à la captation de carbone et à l’enrichissement naturel du sol. En agriculture biologique, les récoltes ne contribuent pas toujours à générer de l’alimentation, et l’absence de produits chimiques est souvent compensée par une dépendance au pétrole, notamment pour les opérations mécaniques sur les sols. Face à ces défis reste alors la question de savoir comment gagner face aux énergies fossiles.
Quels sont les leviers les plus efficaces pour soutenir la résilience alimentaire au niveau local et national ?
Une alimentation saine est fondamentale pour la vie de tout un chacun. En ce sens, elle impose une exigence absolue. Il faut donc essayer de faire échapper l’alimentation à une forme d’ultra-libéralisme tout en ne vouant que peu de dépendance au reste du monde.
Moi je crois beaucoup à la planification et aux filières. Planifier c’est arriver à déterminer quels sont nos besoins sur un territoire donné pour préparer la production et décider de l’alimentation souhaitée. Les filières viennent dans un second temps avec l’agriculture comme premier maillon de la chaîne. Et c’est dans la structuration des filières que l’agriculture en France et les coopératives excellent. En parallèle de cela il faut former les consommateurs et les acteurs des filières pour les aider à mettre de la vertu dans leurs pratiques.
Aujourd’hui il faut répondre à des problèmes complexes, revenir à l’agronomie et former des agronomes. Il ne s’agit plus de suivre la recette mais de faire preuve d’appréciation au cœur d’une approche holistique et systémique.
Quelles attentes avez-vous vis-à-vis des politiques publiques pour encourager cette résilience ?
Les politiques publiques ont leur rôle à jouer pour flécher les impôts du contribuable sur des actions concrètes. La formation des agriculteurs pourrait être encouragée en aidant l’agriculteur à se dégager du temps tout en assurant son remplacement. Le filet de sécurité de l’échec serait aussi un atout précieux pour encourager les jeunes et ceux qui se lancent dans de nouvelles pratiques. Nous pourrions même imaginer une assurance au revenu.

En tant que président du CNRA (Conseil National pour la Résilience Alimentaire) peux-tu nous expliquer comment le sujet de la résilience alimentaire est-il abordé ?
Le premier acte du CNRA était de faire prendre conscience que la résilience alimentaire allait plus loin que la souveraineté alimentaire en s’inscrivant sur du long terme.
Le second acte consistait à amener cette notion dans les bassins de vie, à une échelle plus accessible pour mettre en œuvre des actions concrètes et plus seulement du lobbying.
Une centaine d’adhérents, répartis selon six collèges, sont parties prenantes au CNRA : agriculteurs, solutions locales, grandes entreprises, collectivités territoriales, institutions et citoyens. Le CNRA leur met à disposition une boîte à outils qui propose des formations pour les élus, un guide de bonnes pratiques (à venir très prochainement) et des trophées pour récompenser et distinguer les adhérents les plus engagés.
Tu as récemment rejoint la Fondation de PURPAN. Peux-tu nous en dire plus ?
Mon envie de rejoindre la Fondation s’est logiquement inscrite dans mon parcours de vie suite à une rencontre avec Bruno DE CAMBIAIRE (62e). En tant qu’ancien professeur, rejoindre la Fondation c’est la chance de donner de mon temps localement pour une école prestigieuse. C’est aussi participer à de l’innovation, non pas technologique, mais solidaire. Et bien sûr c’est continuer d’assurer ma mission première : celle d’accompagner le monde agricole d’aujourd’hui et de demain.
« J’ai toujours aimé la solidarité et l’innovation. En rejoignant la Fondation de PURPAN, je rejoins une équipe de personnes engagées dans l’innovation solidaire. »
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